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La fête des haricots

12 Août

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En allant à la fête des haricots, ou Ayizan en évé, je m’attendais à manger des haricots en pagaille or  j’ai surtout mangé du Fufu. Une pâte à base de maniocs ou d’ignames pilés. La fête des haricots c’est en fait une occasion pour célébrer la genèse d’une partie du peuple Évé.

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La période avant le mur d’Agbobo

Selon les recherches en cours et qui je crois ne sont pas terminées; Tous les africains viendraient de la vallée du Nil. Ensuite une partie des africains auraient quitté la vallée du Nil pour se rendre au Nigéria. Les premiers ancêtres des Évés auraient fait une escale au Bénin à Kétou où la langue évé se serait un peu mélangée à d’autres dialectes. La prochaine escale fut à Gridji au Togo, c’est à cet endroit que l’histoire des Évés du Togo débute. C’est donc à Gridji que les prêtres voodoo commencent les cérémonies d’ayizan plusieurs mois à l’avance, ces cérémonie sont interdites aux non-initiés, même le président ne peut y assister. J’ai entendu dire que si les cérémonies sont bien respectées, il ne va jamais pleuvoir lors de la fête des haricots.

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Le cruel roi Agokoli et le mur

Les informations que je vous donne m’ont été transmises  par  tradition orale depuis les anciens jusqu’à ces lignes.

Après Gridji, les anciens Évé sont partis à Notsé sous la conduite du roi Togbè Agokoli (Environ 1670 1720 donc évidemment ce n’est pas lui sur la photo), le roi méchant. Afin de protéger le peuple Évé contre les envahisseurs et aussi pour les empêcher de fuir, celui-ci a fait ériger des murs de 4 mètres de haut et de 2 mètres de large et il y a enfermé tous les ancêtres des populations futures Évés du Togo et du Ghana. La vie à l’intérieur de ces murs était difficiles, pendant plusieurs années, il n’y avait que les chasseurs qui pouvaient sortir de l’enceinte.

Il y a deux théories sur comment ce mur a été érigé.

  1. Ce mur a été érigé à partir de sang humain, c’est à dire que les hommes pilaient sur des poteries cassées mélangées avec du sable et que ça leur faisait des entailles sous les pieds et donc le sang coulait.
  2. En évé , l’expression Mouzan hugné, signigie: Ce qui vient de mon sang, c’est à dire qu’il y a eu un grand effort fourni. En fait le mur ne serait pas construit à partir de sang humain mais c’est les colons qui aurait mal interprété  cette phrase.

On peut dire, par exemple: « Ce trou vient de mon sang ». Pourtant, bien que la terre soit rouge, le mot sang signifie seulement que cet immense trou a été construit à la main et donc, a demandé un effort considérable. On voit les coups de pioches. P1040191

Un jour le roi a demandé aux Évé de lui faire de la corde à partir de sable, ce qui est impossible et une défaite ou un refus devant le roi signifie mourir. Durant toutes ces années beaucoup on péris à l’intérieur du mur. Les chasseurs sont donc allé demander conseil à un vieux sage appelé Anyi, celui-ci était dissimulé dans les bois pour le protéger de la fureur du roi. Anyi leur a dit que c’est au bout de l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle et qu’ils n’ont qu’à demander au roi de leur montrer un modèle qui leur servirait d’exemple afin qu’il continue cette corde. Ce jour là, la sagesse d’Anyi les a sauvés.

Le vieil Anyi a aussi eu une autre idée, tout le peuple emprisonné à l’intérieur du mur devait uriner au même endroit sur le mur et y verser tous les liquides. C’est ainsi qu’au bout de plusieurs années le mur s’est effondré à cet endroit et que les Évés ont pu fuir. La première escale fut Tsiévié, là ou, symboliquement,  se déroule la fête des haricots.

La forêt Vové

La forêt où ils se sont installés est encore là aujourd’hui, c’est un endroit sacré où il est interdit de construire (ce serait une malédiction et beaucoup de gens périraient) et même de s’y aventurer sous peine de risquer de se perdre à tout jamais et de ne jamais en sortir. L’endroit d’où j’ai prit cette photo est la limite accessible.

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C’est exactement sous ces mêmes grands arbres que les ancêtres des Évé on fait escale à la sortie du mur. Au bas de cette image vous pouvez observer des cultures d’haricots, c’est à cet endroit que les haricots pour les cérémonies doivent être semés et uniquement à cet endroit. On dit qu’ils ne pousseront pas ailleurs.

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Quelques mois avant Ayizan, des prêtres voodoo se retrouvent sous ces arbres pour des cérémonies sacrées auxquelles  seuls les initiés peuvent assister, ainsi personne ne sait ce qu’ils y font, c’est un mystère pour tout le monde. On m’a dit que dans l’ancien temps ces haricots étaient semés, récoltés et consommés le même jour.

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La fête des haricots

Ainsi la fête des haricots, n’est pas une rencontre gastronomique, mais bien le moment de se rappeler, puisque c’est à cet endroit que les Évés ont planté des haricots pour se nourrir et survivre. Les habitants de Tsiévié sont considérés comme des courageux, puisqu’ils sont restés  pour attendre la récolte des haricots. D’autres sont partis plus loin pour se sauver de la persécution du terrible roi Agokoli et cela jusqu’au Ghana, c’est pour cela qu’aujourd’hui il y a des Évés au Ghana. En évé on dit:  « Ayi a ne tsiévié », ce qui signifie: Espérer un peu la récolte d’haricots avant de quitter. Tsiévié (espérer un peu) est le nom de ce village où j’étais. C’est à cet endroit que tous les descendants des Évés qui sont sortis du mur d’Agbobo se rencontrent à chaque année et envoient leur roi et leur chefs coutumiers pour célébrer.

P1040192À cet endroit on a dansé toute la nuit.

Le méchant roi n’a jamais retrouvé le peuple Évé mais ça ne veut pas dire qu’il ne les a pas recherché dans la brousse de l’époque. En fait c’est une des autres ingéniosités probablement sorties de l’imagination fertile du vieux sage Anyi qui les a sauvé.

En marchant, jour après jour, les gens laissaient tomber derrière eux des grains de maïs et d’haricots. Ainsi les pigeons,  venaient manger les graines sur le sol et puisque les pigeons étaient très nombreux à cette époque, leurs petites pattes dissimulaient  les traces de pas des humains en fuite.

Ainsi jusqu’à ce jour, par honneur,  les Évés qui ont quitté le mur, ne mangent pas de pigeons.

Et après cette page d’histoire  je suis retourné à Lomé à Vélo et je suis tombé sur ça.

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